Maladie de Dupuytren
C'est une pathologie liée à la rétraction d'un
tissu fibreux situé entre la peau et les tendons
fléchisseurs. A la paume des mains, il s'agit de
l'aponévrose palmaire superficielle. Elle évolue
très progressivement en prédominant nettement
sur l'annulaire et l'auriculaire et atteint
souvent les deux mains.
Au début, de
petits nodules indurés capitonnent la peau de la
paume, puis ces nodules font des chaînes
discontinues qui fusionnent en cordes dures dont
la rétraction progressive entraîne la flexion
des doigts. Les tendons sont intacts.
L'évolution est très lente, étalée sur plusieurs
mois ou plusieurs années. Elle se fait par
poussées successives avec des rémissions
imprévisibles. Il n'y a pas d'amélioration
spontanée.
La cause de cette maladie
n'est pas connue actuellement. Cette maladie
est, au moins en partie, d'origine
génétique : c'est pour cette raison que
d'autres membres de la famille sont parfois
atteints, avec des formes très variables. Une théorie voudrait que la mutation génétique initiale soit survenue en Scandinavie et ait suivit les invasions vikings. Ceci expliquerait la fréquence de la maladie dans les régions nordiques, chez les patients aux yeux clairs et la quasi absence de malade de Dupuytren chez les personnes originaires d’Asie ou d’Afrique. Dans
les formes les plus sévères, les patients sont
parfois porteurs de maladies proches à la plante
des pieds (maladie de Ledderhose), sur le sexe
pour les hommes (maladie de La Peyronie) ou sur
les dos des doigts. Plus la maladie débute
précocement, plus grave est l'atteinte ; en
général elle apparaît autour de la cinquantaine
chez l'homme, plus tardivement chez la femme.
Plusieurs maladies sont préférentiellement
associées à la maladie de Dupuytren, ce
sont : l'épilepsie, le diabète,
l'hypertriglycéridémie. Le travail manuel n'est
en aucun cas responsable de la maladie de
Dupuytren. En revanche la maladie peut se
développer dans les suites d'un traumatisme dans
certaines conditions.
Le traitement :
Il n'y a, à l'heure actuelle, aucun traitement médical de la
maladie. Le seul traitement possible reste donc
la section ou l'ablation des tissus malades.
Parce que l'origine est inconnue, le traitement
chirurgical ne peut, à lui seul, empêcher
l'extension de la maladie à d'autres doigts,
voire la récidive sur les doigts opérés. Pour
toutes ces raisons, il est rare de devoir
traiter les formes débutantes. Par contre il ne
faut pas trop attendre car dans les formes
sévères le traitement est plus difficile et plus
risqué. Les résultats sont moins bons et le
risque de récidive plus élevé. L'atteinte
préférentielle du 5ème doigt, ou des
articulations inter phalangienne des doigts est
également responsable de moins bons résultats.
Schématiquement on conseille un traitement
lorsque le patient ne peut plus poser sa main à
plat sur une table en appuyant avec l'autre
main. Les traitements sont variés et leurs
indications dépendent de la gravité de la
maladie et du patient.
L'APONÉVROTOMIE OU FASCIOTOMIE, faite à l'aiguille, ne fait que sectionner les cordes. Pratiquée sous anesthésie locale pure, sans aucune hospitalisation, elle nécessite une ou plusieurs séances. L'orthèse dynamique d'extension est parfois utile, la rééducation inutile. Les suites sont rapides, le petit pansement est enlevé après 12 heures et l'activité manuelle reprise immédiatement. Le risque principal est la section d'un nerf ou d'un tendon. Ce geste est réalisé en percutané c'est-à-dire à l'aveugle sur la simple perception palpatoire et sur la connaissance de l'anatomie. A la paume, les risques sont faibles car les cordes de la maladie sont toujours superficielles. Au niveau des doigts, les cordes se mélangent aux nerfs et peuvent être profondes au contact des tendons. Les complications restent néanmoins exceptionnelles, lorsque le geste est réalisé par un chirurgien habitué à l'anatomie de la main et de la maladie de Dupuytren. Cette technique trouve également ses limites lorsque la corde est très large, ou en cas de forme récidivante notamment après chirurgie initiale. L’injection de collagénase est l’équivalent chimique de l’aponévrotomie. La rupture de la corde est faite par digestion de la corde par une enzyme injectée. Le coût du produit non remboursé par la sécurité sociale la rend inaccessible en France. Plus intéressante est l’adjonction d’injection de graisse au niveau de l’aponévrotomie. La technique d’injection de graisse est connue de longue date par les chirurgiens plasticiens pour combler des creux cicatriciels, ou augmenter le volume des seins par exemple. La graisse peut être prélevée sur la paroi abdominale ou sur la face postérieure du bras, ce qui autorise une intervention sous anesthésie loco-régionale. Les suites post-opératoires et les rares complications, sont sensiblement superposables à celles de l’aponévrotomie simple.
L'APONÉVRECTOMIE: est une opération qui enlève les cordes et les nodules pour permettre l'extension des doigts. Elle dure entre 30 minutes et 2 heures selon l'étendue de la maladie. Habituellement seul le bras du patient est endormi et l'hospitalisation n'est pas systématique.
- Le pansement est volumineux afin de ne pas provoquer de douleurs.
- Les pansements sont faits quotidiennement, sauf cas particulier.
- Les fils tombent naturellement vers le 14ème jour après l'opération.
- La miniaturisation et l'ablation complète du pansement sont hautement souhaitables pour faciliter l'utilisation de la main. La réintégration de la main opérée dans les gestes de la vie de tous les jours est la meilleure des rééducations.
- La rééducation post-opératoire est fondée sur l'action continue des orthèses et de la kinésithérapie. Les orthèses dynamiques d'extension sont amovibles. Le patient les portera le plus souvent possible avec une attelle dynamique qui étend les doigts progressivement et en règlera la puissance correctrice afin de n'éprouver ni gêne, ni douleur. La kinésithérapie vise à récupérer la flexion et la force des doigts. Elle sera immédiate, dès les premiers jours pour éviter l'enraidissement, progressive et active, associée à des massages pour décoller et assouplir les cicatrices.
- L'usage de la main (toilette, conduite auto) est recommandée dès que possible. Les travaux de force ne sont possibles qu'au delà de 3 à 4 semaines.
C'est une oération complexe et délicate à cause des nombreux éléments vasculo-nerveux et tendineux qui occupent la main. Les risques sont ceux de toute chirurgie de la main. Les complications spécifiques sont liées à la fragilité de la peau (qui est épaissie mais fragilisée par la maladie), et à la proximité des nerfs et les vaisseaux de la maladie de Dupuytren. Une algodystrophie est possible. Enfin, de nombreux patients se font traiter tardivement et les articulations des doigts sont enraidies. La rétraction articulaire, des vaisseaux et des nerfs fait qu'il est parfois impossible au chirurgien de récupérer une mobilité complète. Les incisions mettent environ 2 semaines pour être bien cicatrisées et seront épaisses pendant plusieurs mois. Dans certains cas, le chirurgien peut laisser ouvert une partie de la cicatrice pour éviter des complications comme les hématomes ou la souffrance de la peau, c'est la technique de Mac cash. La cicatrisation sera alors un peu plus longue mais souvent moins douloureuse. La dissection de la maladie au contact des vaisseaux et des nerfs est difficile; les nerfs sont parfois irrités ce qui entraînent des sensations de fourmillements transitoires dans les doigts qui peuvent parfois persister plusieurs semaines. La section d'un nerf ou d'une artère est heureusement exceptionnelle pour les chirurgiens de la main. Enfin les doigts peuvent rester raides, surtout le cinquième doigt. L'ablation des brides peut être complétée par un remplacement cutané (par une greffe de peau ou un lambeau) : c'est une technique plus ambitieuse et plus longue. Les récidives sont exceptionnelles sous les greffes de peau et les lambeaux, mais les séquelles esthétiques, les suites post-opératoires et les complications sont plus importantes. Ces techniques sont particulièrement intéressantes pour les sujets qui ont des formes graves, récidivantes et invalidantes. C'est l'intervention de sauvetage avant l'amputation digitale, dernière extrémité en cas de maladie grave et handicapante. La cicatrisation des greffes de peau et des lambeaux est plus longue à obtenir, les suites sont plus laborieuses et exigeantes, sinon les complications sont les mêmes que pour l'ablation des brides simples. Si un traitement chirurgical est envisagé, l'arrêt de travail est d'au moins d'un mois, parfois plus long.
Stratégie thérapeutique :
L'avantage de l’aponévrotomie est la simplicité de ses suites. L’absence d’incision permet d’abandonner le pansement quelques heures après l’intervention. L’absence de pansement, d’œdème et les douleurs discrètes facilitent l’utilisation quotidienne et donc la rapidité de récupération.
Son inconvénient est lié à un risque de récidive supérieur à l'aponévrectomie chirurgicale, respectivement de à 5 ans de 85% à 5 ans contre 21% pour l’aponévrectomie. En cas d’injection de graisse, une autre étude montre le même résultat à un an, mais 74% de récidive contre 39% pour l’aponévrectomie à 5 ans. L’aponévrotomie cependant ne coupe pas les ponts à une reprise. Celle-ci peut se faire selon le même procédé ou par aponévrectomie. La stratégie va dépendre de chaque cas particulier notamment, du risque de récidive, de la rapidité de récupération et des complications et désagréments potentiels. Je suis volontiers le protocole de Steven E.R Hovius résumé dans le tableau de smiley suivant :
Données tirées de l’article de Steven E.R Hovius dans Journal of Hand Surgery (European Volume), 2018, Vol 43(4)354-357.