Luxation gléno-humérale et épaule instable
La luxation de l'épaule correspond au déboîtement complet de l'articulation qui nécessite des manœuvres pour remettre l'articulation en place.
En cas de déboîtement partiel et incomplet, il s'agit alors d'une épaule instable qui peut se manifester uniquement par des douleurs notamment lors du sport. La plupart des luxations se font vers l'avant, il s'agit des instabilités antérieures, alors que les instabilités postérieures sont assez rares. L'épaule est instable par sa configuration anatomique très peu emboitée, ce qui lui donne son amplitude et sa vitesse. Sa stabilité dépend principalement de la coiffe des rotateurs. Cependant, celle-ci perd de son efficacité dans les mouvements en élévation. L'ascension de l'épaule découvre un espace inférieur sous la coiffe musculaire (flèche noire), qui est normalement fermé par des ligaments.
En cas de traumatisme, ceux-ci cicatrisent mal, d'autant plus que l'âge de survenu est précoce. Le frein capsulaire lésé ou distendu, permet à l'épaule de se déboiter (flèche orange). Ces ligaments (*)dits « gléno-huméraux inférieurs » s'arrachent en majorité à partir du bourrelet ou « labrum », qui est une sorte de ménisque de la glène. Dans les cas où le déboitement survient en position basse du bras, ou chez des patients de plus de 45 ans, il faut incriminer d'abord un problème de coiffe des rotateurs.
L'instabilité est difficile à contrôler par la rééducation dès lors que le mouvement luxant est couramment utilisé dans la vie courante ou sportive.
L'instabilité en armé du bras, ne peut se guérir que par la réparation ou la reconstruction chirurgicale des éléments stabilisateurs capsulo périostés définitivement lésés par les traumatismes. Il n'y a pas d'urgence car l'instabilité n'engendre de l'arthrose que très lentement. Le moment de la chirurgie est principalement dicté par la gêne et la demande fonctionnelle et de performance du patient. Il n'y a pas beaucoup d'inconvénient à attendre. Le risque de paralysie du nerf axillaire au décours d'une nouvelle luxation est rare et habituellement transitoire. Les lésions osseuses peuvent apparaître et s'accentuer avec le nombre de luxation (érosion de la glène antérieure et apparition de l'encoche de Malgaigne ou de Hill Sachs (**), et faire pencher progressivement l'indication chirurgicale vers la butée de Latarjet.
L'encoche de Malgaigne (**) est la conséquence de l'impaction de l'os huméral relativement mou contre le bord antérieur de la glène qui est très dur, lors de la luxation. C'est un facteur de récidive lorsque l'encoche fait effet « démonte-pneu », (cf vidéo)
Il existe 2 types d'interventions :
- La butée avec butée ostéo musculaire selon Latarjet, est l'intervention la plus connue en France, car elle est la plus aisée à faire techniquement, notamment ne nécessite pas de compétence en arthroscopie. Les suites post opératoires sont assez peu contraignantes (2 semaines d'attelle), 6 semaines de prudence, et la plus fiable en terme de récidive de l'instabilité. La stabilisation est solide et fiable sur les récidives après consolidation de la butée osseuse de Latarjet, par l'effet de son triple verrouillage (butée osseuse qui augmente la surface de la glène, renfort du complexe ligamentaire par le sous scapulaire abaissé et le coraco biceps qui se place exactement sur le trajet du ligament déficient. Elle est grevée de la morbidité la plus importante (cicatrice, infection, hématome, mauvaise position de la butée et surtout non consolidation) et surtout il existe 30% de douleurs résiduelles mal expliquées et difficile à traiter ensuite. Elle est habituellement faite à ciel ouvert, la réalisation arthroscopique est pour l'instant expérimentale.
- L'intervention de type Bankart par réinsertion du complexe capsulo périosté qui est lésé et à l'origine de l'instabilité.
La technique arthroscopique a pratiquement supplanté la technique de Bankart à ciel ouvert pour des raisons de cosmétique et de morbidité moindre à part quelques cas particuliers et rares. Elle comporte plus de risque de récidive, mais est de loin l'intervention qui se complique le moins (1infection/10000 par exemple). La réalisation d'un comblement de l'encoche par l'application de l'infra spinatus, est logique car il rajoute un geste postérieur à la réparation des ligaments antérieurs lésés, et semble baisser considérablement le taux de récidive. Le comblement de l'encoche consiste à fixer au fond de celle-ci le muscle de la coiffe adjacent (symoblisé par la punaise, le trombone symbolise la réparation des ligaments antérieurs). Ceci évite le phénomène d'engagement ou « démonte pneu » et à peut-être un effet de frein postérieur. Cette adjonction d'un geste complémentaire réalisé dans le même temps permet de garder tous les avantages de l'arthroscopie. La durée de l'intervention est un peu prolongée mais les incisions, les modalités d'hospitalisation et de rééducation ne sont pas modifiées. Par contre, il s'agit d'une technique récente, particulièrement prometteuse à mon sens et que je pratique volontiers. Elle n'a pas encore beaucoup de recul. Elle a surtout pour elle une faible morbidité et la possibilité, comme pour la réparation du complexe capsulo-ligamentaire arthroscopique associée, de ne pas modifier significativement l'anatomie de l'épaule. Le Latarjet reste ensuite toujours possible en cas de récidive malheureuse. Le contraire n'est pas toujours vraie et beaucoup plus difficile. Ces interventions ont des avantages et des inconvénients respectifs qui doivent être soupesés par le patient, ainsi que des indications spécifiques.
Les luxations et instabilités postérieures sont plus rares que les antérieures, et très différentes dans leur présentation. Les luxations postérieures surviennent principalement chez les adultes lors de traumatisme particuliers comme les crises d’épilepsie. 50% des luxations postérieures ne sont diagnostiquées que tardivement. Le déboitement en arrière est peu visible sous le galbe musculaire et entraine une position du bras le long du corps qui est la même que celle des traumatisés du membre supérieur. La perte de la rotation externe est difficile à tester sur une épaule récemment traumatisée. Les radiographies peuvent être trompeuses si des clichés en profil particuliers, peu répandus, ne sont pas réalisés. Le diagnostic final repose sur le scanner qui confirme le déboitement de la tête humérale en arrière et surtout apprécie l’importance de l’encoche qui est cette fois ci antérieure. Le traitement est souvent chirurgical car la réduction simple aboutit parfois à des fractures complexes et ne règlent pas le problème de l’encoche qui est souvent importante et doit être comblée pour éviter les récidives. Les indications font relativement consensus : Comblement par le sous scapulaire ou le trochin comme sur l’image ci-joint si l’encoche est minime, par une allogreffe, si celle-ci fait entre 30 et 50% de la tête humérale et prothèse humérale au-delà.
Les instabilités postérieures sont l’apanage des jeunes et surviennent souvent en l’absence complète de traumatisme. On retrouve souvent une prédisposition anatomique sous la forme d’une hyper laxité articulaire ou une déformation de la glène ou « dysplasie de glène », qui est orienté en arrière. Celle-ci peut être aggravé par des traumatismes, des microtraumatismes sportifs, voir un tic. Le ressaut en abduction rotation interne (pouce en bas, sous le niveau du coude), est peu douloureux au début et amuse les écoliers.
Plus les patients sont jeunes, hyper laxes et sans lésion évidente, plus il est recommandé de commencer en essayant de stabiliser l’épaule sans chirurgie. Le traitement doit commencer par une bonne discipline personnelle de suppression du tic du déboitement et de la rééducation. Celle-ci comporte le renforcement musculaire des muscles postérieurs et le contrôle proprioceptif. Ceci peut être initié en ville, en libéral, mais en cas d'échec, il faudra s'orienter vers des rééducateurs spécialisés pour faire un test sur machine cibex et une rééducation iso cinétique selon le résultat. Ce type de rééducation se passe le plus souvent dans des centres de rééducation. Ce n'est qu'en cas de récidive après avoir réglé le problème de l’équilibre musculaire que peut s'envisager le traitement chirurgical pour parfaire le résultat de la rééducation. Le traitement chirurgical des instabilités postérieur n'est pas encore standardisé. Il s'agit d'une pathologie peu fréquente, avec des cas cliniques assez différents et de nombreuses innovations techniques récentes encore en évaluation. Lorsqu'une indication chirurgicale est retenue, la morphologie de la glène oriente la technique. Une glène normale permet de proposer une stabilisation arthroscopique de type Bankart postérieur avec une réinsertion du bourrelet glénoïdien postérieur, éventuellement un comblement de l'encoche antérieure par le sous scapulaire arthroscopique
Une dysplasie de glène avec une pente postérieure importante est un facteur de récidive et oriente vers une butée postérieure . Ma préférence va à la butée postérieure, ostéo-musculaire de Kouvalchouk, qui est un équivalent de la butée de Latarjet. On retrouve alors l’équivalent des interventions proposées pour les instabilités antérieures en sachant qu'il n'existe pas de consensus.
Pour visualiser l’intervention, Cliquez sur le site suivant :
https://www.orthoillustrated.com/shoulder/animation/26-knotless-shoulder-labral-repair-with-arthrex-pushlock
https://www.orthoillustrated.com/shoulder/animation/24-latarjet-for-instability