Fracture
Chaque cas de fracture est particulier du fait du nombre de trait de fracture auquel se surajoute, le déplacement plus ou moins important de chaque fragment, et l’association éventuelle d’une luxation de la tête humérale. Le traitement est d’autant plus délicat, que la même fracture se traitera différemment selon les patients : Un jeune, dont l’os est solide, permettant une bonne tenue du matériel d’ostéosynthèse par vis ou clou, ne sera pas traité comme une personne âgée, dont l’ostéoporose ne permettra pas une fixation fiable des fragments. L'exemple suivant montre deux autres types de combinaison justifiant une réduction des déplacements :
1er cas : Déplacement important entre la diaphyse et l'extrémité supérieure.
2ème cas : Modification importante des rapports articulaires qui ont perdus leur concentricité. Cette fracture est fréquente mais très difficile à réduite anatomiquement car le fragment céphalique s'enfonce comme la boule de glace dans le cornet et écarte les tubérosités. La décision thérapeutique est souvent difficile à prendre et relève d'équipe spécialisée. Une mauvaise décision qu'elle soit chirurgicale ou orthopédique ne se rattrape habituellement pas ultérieurement.
Le traitement orthopédique a l'avantage de son innocuité mais accepte les déplacements. Lorsqu'ils sont modérés, notamment chez les sujets âgés, la tolérance est excellente. La consolidation est la règle en 6 semaines, mais les fragments sont suffisamment collés pour abandonner l’attelle à la troisième semaine à l’exception dees situations à risque (sortir, dormir, faire des efforts). Le risque à court terme est la raideur articulaire. Elle peut être limitée par une rééducation précoce qui est souvent possible (sinon, il faut probablement mieux opérer). A moyens termes, c’est-à-dire après deux à trois mois de mobilisation consciencieuse, la persistance de douleurs persistance peut s’expliquer par une raideur articulaire rebelle, une souffrance du long biceps, dans sa gouttière qui peut être déformée par la fracture, un conflit entre les tubérosités consolidées en mauvaise position par rapport à l’acromion. Il est possible de rattraper ces insuffisances du traitement orthopédique après consolidation par un traitement arthroscopique. Ces traitements sont simples à complications réduites et justifient de privilégier le traitement orthopédique en urgence chez les patients âgés et fragiles. Le risque à distance d'une nécrose, qui est la conséquence de l’interruption de la vascularisation du fragment céphalique par les fractures est rare, parfois augmenté par la chirurgie. La nécrose partielle est souvent bien tolérée, sinon relève d’une prothèse d’épaule.
L'ostéosynthèse consiste à réduire les déplacements et à les fixer avec un matériel principalement métallique. Il s'agit d'un geste difficile car tout concourt à gêner le chirurgien : les nerfs du plexus brachial tout proche, le volumineux deltoïde qui recouvre la coiffe qui cache elle-même les tubérosités qui entourent le fragment céphalique. Ceci explique l'existence de très nombreuses techniques qui ont toutes des intérêts spécifiques :
Le clou a l'avantage de minimiser l'incision, mais la réduction et la fixation des fragments se font principalement grâce à un contrôle radiologique, en ouvrant à minima, ce qui rend la technique délicate. Le clou est introduit à travers la coiffe des rotateurs, ce qui génère parfois des complications comme des raideurs second
L'ostéosynthèse a minima diminue les risques liés au volume du matériel mais est difficile.
Les plaques verrouillées ont l'avantage de leur rigidité favorisant la mobilisation précoce, mais représente un surcoût problématique. Elles nécessitent une grande ouverture. Leur ablation, si nécessaire peut être problématique. L'important est en fait la perfection de la réduction des fragments et leur maintien, qui exposent à des lésions de la glène de la scapula ou omoplate, par les pointes des vis qui peuvent dépasser dans l’articulation. La prothèse totale devient alors nécessaire.
Les prothèses consistent à remplacer l'articulation fracturée par une articulation artificielle en métal. Dans certains cas particuliers comme ici, la prothèse semble inévitable. L’ostéoporose rend illusoire chez les patients âgés une bonne fixation des fragments alors que la prothèse apporte une stabilité immédiate : Il existe deux types de prothèses pour les fractures : Humérale simple ou inversée. La prothèse humérale simple où seule la tête de l’humérus fracturé est remplacée par la prothèse. Ceci règle apparemment facilement le problème articulaire. Le problème est celui des tubérosités qui sont très difficiles à faire consolider sur la prothèse et en bonne position. La réalisation technique initiale est difficile car les repères anatomiques sont modifiés par la fracture et l'os des tubérosités adhère mal au métal.
Les résultats des prothèses humérales sont dans mon expérience personnelle, extrêmement décevants avec de nombreuses contraintes et complications : la consolidation des tubérosités limite considérablement la mobilisation post opératoire pendant plus d’un mois. Ceci génère une raideur parfois difficile à récupérer et surtout nécessite le port d’une attelle. Chez des patients par définition âgées, la perte d’autonomie impose pendant ce temps, souvent une hospitalisation prolongée, toujours compliquée, inconfortable et perturbante. La consolidation souvent imparfaite des tubérosités entraîne souvent des résultats décevant voir douloureux ou une raideur secondaire Un échec d’ostéosynthèse ou de prothèse humérale simple traumatique, relèvent la plupart du temps d’une prothèse inversée. Il est maintenant avéré que le résultat des prothèses inversées est de moins bonne qualité (et se compliquent plus notamment d’infection), dans les cas de reprise chirurgicale, que lorsqu’elles sont réalisées d’emblée de première intention. Personnellement, je préconise la réalisation d’une prothèse inversée pour les patients dont le type de fracture, et la qualité osseuse ne permet pas un traitement orthopédique ou une ostéosynthèse de qualité permettant une mobilisation précoce. La prothèse inversée donne de meilleur résultat dans mon expérience, permet une mobilisation précoce facilitant le retour des patients à domicile. L’autonomie pour les petits gestes du quotidien, s’habiller manger se laver est acquise au bout de quelques jours. La consolidation des tubérosités qui améliore le résultat fonctionnel à distance est aussi plus facilement acquise.
En conclusion Le traitement orthopédique est toujours favorisé, chaque fois que possible, dans les fractures de l’extrémité supérieure de l’humérus du fait de la simplicité et du caractère moins agressif de ce traitement non invasif. Lorsqu’une chirurgie est nécessaire du fait des déplacements et de la désorganisation induits par les fractures, l’ostéosynthèse est privilégiée chaque fois que possible. Celle-ci sera d’autant plus aisée et de qualité que les sujets seront jeunes avec un os dense permettant une bonne fixation du matériel métallique par vis, plaque ou clou.
La possibilité, autrefois assez répandue, d’utiliser une prothèse humérale simple en gardant la glène de l’omoplate intacte, perd de plus en plus d’actualité et d’intérêt, que ce soit en urgence ou en intervention de reprise. En effet, dans les hémi-arthroplasties, la cause principale des échecs est la non consolidation de la grande tubérosité sur laquelle s’insèrent les rotateurs externes. La perte de la rotation externe pénalise le résultat et la qualité des prothèses inversées.
Par ailleurs, le nombre d’interventions réalisées augmente et le risque infectieux et pénalise le résultat final. Il est donc logique, en cas d’échec d’un traitement orthopédique ou d’un traitement chirurgical par ostéosynthèse de passer rapidement, en cas de nécessité et le plus directement possible, à la prothèse inversée qui est la prothèse de choix des échecs des traitements simples des fractures de l’extrémité supérieure de l’humérus.
Pour ces différentes raisons, mon choix thérapeutique en cas de mauvaise qualité pour l’ostéosynthèse, est de passer d’emblée aux prothèses inversées en supprimant complètement les indications de prothèses humérales simples avec fixation des tubérosités, dont personnellement je n’ai que rarement vu de résultats corrects. Le résultat des prothèses inversées pour fracture est supérieur à celui des prothèses inversées de reprise chez les jeunes patients alors que l’âge est plutôt un facteur de bon résultat ce qui est un argument supplémentaire pour proposer d’emblée des prothèses inversées dans les fractures chez les patients âgés.